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CHARLES CAMOIN, le fauve résolument libre ?

S’il expose aux côtés de Matisse, Vlaminck ou Derain, Charles Camoin revendique une approche personnelle du fauvisme, livrant une œuvre sensualiste dans laquelle la recherche de la couleur pure ne sacrifie jamais
l’étude du motif.

Redécouvert du grand public à la faveur d’une exposition au musée Granet en 2016, Charles Camoin est de ces artistes injustement oubliés par l’histoire. Le peintre fauve jouit
pourtant de son vivant de la reconnaissance de ses pairs autant que du marché. Aux côtés d’Henri Matisse, Maurice de Vlaminck ou encore André Derain, il participe aux manifestations marquantes qui rythment la scène artistique parisienne de la première moitié du XXe siècle, et connaît un succès commercial précoce. « Cette méconnaissance actuelle est, à mon sens, liée au fait qu’une partie de sa production, la plus avant-gardiste peut-être, a quitté le sol français lorsqu’il a noué un contrat en 1908 avec le marchand allemand de Francfort, Ludwig Schames. Certaines de ses œuvres ont également disparu avec les guerres successives. Enfin, il convient de souligner qu’à partir des années 1980 s’est développée une histoire de l’art centrée sur des parcours individuels, et notamment ceux des monstres sacrés que sont Pablo Picasso ou Henri Matisse. Camoin est en quelque sorte victime de l’ombre de Matisse. Le fait de s’intéresser aux réseaux culturels est récent et permet de mettre en lumière des personnalités que nous avions mises de côté », explique l’historienne de l’art Assia Quesnel qui, avec Saskia Ooms, présente « un fauve en liberté » au Musée de Montmartre, une exposition donnant au public l’occasion de redécouvrir l’œuvre de
Charles Camoin.

Un « fauve modéré »
Charles Camoin rejoint l’École des Beaux-Arts de Paris en 1898, où il intègre l’atelier de Gustave Moreau. Si l’enseignement du maître symboliste, décédé en 1898, est de courte durée, le peintre marseillais se frotte à l’avant-garde parisienne. Il partage avec Albert Marquet et Henri Matisse des modèles, des motifs et bientôt la manière – des touches de couleurs pures et flamboyantes, appliquées en larges aplats. « Depuis son premier atelier de la place Dauphine, avant qu’il ne rejoigne Montmartre, il dépeint en 1904 Le Pont des Arts vu du Pont-Neuf. Cette petite toile reprend déjà tous les éléments qui constitueront le paysage fauve. Il ne s’agit plus d’imiter le réel ou de retranscrire des impressions et un idéal, mais de traduire une expérience vécue. Il s’appuie sur son instinct, ses sensations pour synthétiser sur le support la perception qu’il a de son environnement, à travers l’usage de la couleur pure et de grandes zones d’aplats colorés », poursuit Assia Quesnel. À l’horizon, le Pont des Arts et, avec lui, les ailes du musée du Louvre se dessinent. Camoin y fait ses premières gammes, copiant les maîtres anciens, sur les conseils de Gustave Moreau. À son panthéon figurent les coloristes, de Titien et Véronèse à Rubens, Goya et Delacroix, ou les peintres du XVIIIe siècle, Fragonard et Boucher. À cette époque, Camoin connaît ses premiers succès. Aux Salons des indépendants de 1904 et 1905, il expose tour à tour une Jeune Créole, une vue de Marseille, La Rue Bouterie et le Port de Cassis. À la Galerie Berthe Weill, son Bassin des Tuileries côtoie des œuvres de Marquet, Matisse, Manguin et Jean Puy. « L’État français lui achète, sur les conseils du critique Roger Marx, son Port de Cassis. Il est très connu ! Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le journal de Berthe Weill qui note que pour les ventes, Camoin arrive en tête. » L’artiste partage sa vie entre Paris et son Midi natal, séjournant un temps en Italie où il dépeint Naples, le Vésuve, vu de la Villa Capella, au gré d’une touche plus enlevée. De retour de la Côte d’Azur, le 18 octobre 1905, il expose aux côtés de Derain, Manguin, Marquet, Matisse et de Vlaminck, lors du troisième Salon d’automne, dans la salle VII, bientôt baptisée la « cage aux fauves ». Si les toiles de ses pairs suscitent l’hilarité de la critique qui décrivent des « bariolages informes », des « taches de coloration crue juxtaposées au petit bonheur », les œuvres de Camoin séduisent par leur composition rigoureuse. « Mon instinct de coloriste me rapprochait de Matisse. Mais ce qui restait chez moi du domaine de l’instinct devait très vite se développer chez lui en théorie. Théorie
d’exaltation qui devint ce que l’on a appelé le fauvisme et que, personnellement, je n’ai jamais suivi systématiquement », écrit Camoin.

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