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Galeriste

LE COMOEDIA fait vibrer l’art sous toutes ses formes

Depuis quatre ans, cette galerie atypique installée dans un lieu mythique propose une programmation éclectique à la fois ambitieuse et accessible. Libre échange avec sa directrice, Adeline de Monpezat.

Espace d’art le Comœdia
35 rue du Château 29200 Brest
Jeudi, vendredi, samedi de 14h à 18h et sur rendez-vous
artcomoedia.fr
Instagram : @comoedia_brest

Au Comœdia, on peut y voir – comme 2.500 visiteurs en moyenne – une exposition réunissant des œuvres les plus diverses autour d’un même thème, y assister à une conférence sur le « Street Art, mouvement majeur du XXIe siècle », visiter les lieux en compagnie d’un artiste qui vous explique ses œuvres… et celles de ses confrères… Cet espace d’art au cœur de la Ville blanche bretonne a véritablement une âme… et une âme d’artiste.

Le Comœdia a une histoire originale…
C’est l’un des plus beaux bâtiments de la ville, signé par l’architecte Michel Ouchakoff, qui a fait appel au sculpteur Jean-René Debarre, connu pour avoir réalisé l’un des bas-reliefs du Palais de Chaillot. À l’origine, c’était un théâtre privé. Il a été bâti après guerre, lors de la reconstruction de Brest, détruite par les bombardements alliés, et est emblématique de cette période, dont il reste très peu de constructions, moins d’une dizaine, en France. Le théâtre, ouvert en 1950, a été transformé en cinéma d’art et d’essai en 1962, avant de fermer ses portes au début des années 1990. Il a ensuite été laissé à l’abandon pendant près de 30 ans.

Comment en êtes-vous venue à le transformer en galerie d’art ?
L’idée n’est pas venue immédiatement… Nous ne venons pas de ce milieu, bien que mon mari soit sculpteur et que mes parents aient toujours eu beaucoup d’amis artistes. Nous sommes une lignée de commerçants et d’entrepreneurs. Mon père est tombé amoureux de ce lieu où, enfant, il est allé, comme beaucoup de Brestois, voir des films et des spectacles. Il a toujours rêvé de le reprendre et, quand l’opportunité s’est présentée, il l’a saisie… sans savoir exactement quoi en faire [rires] ! Nous nous sommes dit que nous allions d’abord le restaurer. Assez rapidement, l’idée qu’il devait rester lié à la culture est apparue comme une évidence, au regard de son passé mais aussi de sa localisation dans le carré culturel de Brest, à côté du musée des Beaux-Arts, de l’école des Beaux-Arts, de l’hôtel des deux maisons de vente… En tant qu’amateurs d’arts et commerçants, ouvrir une galerie s’est naturellement imposée.

Comment avez-vous adapté son architecture particulière à cette nouvelle destinée ?
Si l’espace – 400 mètres carrés – est superbe, il était marqué par son origine de théâtre à l’italienne. Nous souhaitions conserver la structure et les volumes du lieu, en apportant les modifications nécessaires à son nouvel usage. La fosse d’orchestre a été comblée et aplanie pour mettre les cimaises, le garde-corps du balcon, un chef d’œuvre de modernité, a été complètement repensé pour laisser voir les oeuvres. Nous avons également percé un puits pour apporter de la lumière naturelle. En revanche, nous n’avons pas conservé la moquette murale verte, typique des années 1970 [rires]. Le parti pris a été de tout mettre en blanc et or pour sublimer le lieu et lui redonner son cachet des années 40. Après 18 mois de travaux, nous avons ouvert en mars 2019, avec une première exposition, « le Comœdia nu », sans aucune œuvre… l’œuvre étant le bâtiment lui-même.

Comment avez-vous défini votre positionnement ?
L’idée première, c’est d’être une galerie marchande traditionnelle, mais un peu plus ouverte, avec des conférences autour des expositions, la participation des artistes, la création d’événements… Nous essayons toujours de penser nos expositions avec des lignes directrices qui vont apprendre aux visiteurs des choses sur un mouvement, une technique… Notre ligne directrice, c’est la diversité et l’accessibilité. Nous montrons essentiellement de la peinture et de la sculpture, avec un peu de photographie. Nous sommes très attachés à la sculpture, bien que ce soit compliqué à présenter et difficile à vendre, mais nous mettons un point d’honneur à toujours présenter des sculptures dans nos expositions.

Qu’est-ce qui conduit vos choix d’expositions ?
Nous travaillons la programmation avec un comité composé des membres de notre famille, de marchands et de collectionneurs. Lorsque nous avons choisi un thème, nous regardons parmi les artistes de la galerie ceux qui peuvent s’y intégrer. Ensuite, nous cherchons ce qu’il faut explorer dans ce thème et que nous n’avons pas, et nous invitons d’autres artistes. Parfois, ces invités rejoignent ensuite les artistes de la galerie. Nous proposons tous les courants artistiques, à l’exception de l’art conceptuel… avec lequel j’ai du mal [rires]. En revanche, dans chacune de nos expositions, nous avons au moins un street artiste parce que nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un mouvement majeur de l’art contemporain. Si nous sommes quelque part obligés de catégoriser les artistes, l’idée est néanmoins d’expliquer que cela n’est pas important.

Parmi vos artistes permanents, vous avez de nombreux bretons. Est-ce un choix ?
Tout à fait. Nous avons 27 peintres, sculpteurs, photographes, street artistes… bretons. Cela fait partie de la diversité que l’on souhaite. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait énormément de talents sur notre territoire et qu’ils n’étaient pas assez mis à valeur et trop peu reconnus.

Parmi eux, lesquels sont plus particulièrement à suivre ?
Vous voulez vraiment que je me fâche avec tous les autres [rires] ? Parmi ceux qui sont déjà très connus mais qui méritent qu’on s’y intéresse davantage, je citerais Yann Kersalé, « sculpteur de lumière » mais aussi le peintre Yvon Daniel ou la céramiste Mélanie Bourget. Et parmi ceux qui viennent de nous rejoindre pour la prochaine exposition, « Autour du Noir et de la couleur », Yann Gautron.

Qui sont vos visiteurs ?
Évidemment beaucoup de Bretons, de Brestois, de Finistériens. Pas mal de touristes, également, durant les périodes de vacances. Mais de plus en plus de collectionneurs viennent de toute la France et même d’Europe selon les expositions. Beaucoup d’entre eux ont même pris l’habitude de passer régulièrement, pour découvrir de nouvelles œuvres et de nouveaux artistes, pas forcément dans leurs domaines d’intérêt. C’est important de sortir de sa zone de confort. Et le message de la diversité passe plutôt bien.

Dans quelles gammes de prix se situent les œuvres que vous proposez ?
Là aussi, nous mettons en avant la diversité [rires]. On peut s’offrir une œuvre unique originale pour quelques dizaines d’euros, par exemple un Sex-voto de Foufounart à partir de 30 euros, ou une Amuse-bouche de Mélanie Bourget pour 55 euros. Et nous avons vendu certaines œuvres jusqu’à 250.000 euros.

Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux collectionneurs ?
D’ouvrir leurs yeux et leurs cœurs. Ce que nous souhaitons avant tout, c’est que les gens fassent entrer l’art chez eux. Et qu’ils comprennent qu’avoir des œuvres, c’est vivre au milieu de la beauté et c’est merveilleux !

Etes-vous collectionneuse ?
Ah oui ! Et la tentation, c’est l’horreur à la galerie [rires]. Mais c’est un bon vice.