Menu
Parlons-en !

Maryse et Michadu, tranches de vie pour « Tronches » en vie

Avec une liberté absolue qui fait de lui un remarquable interprète des émotions humaines, l’artiste sculpte des « Tronches » bouleversantes d’intensité.

Michadu : @michadu__

  1. Je me suis usée les dents, H90 cm.
  2. Je ne trompe personne, H83 cm.
  3. Docteur, j’ai les dents qui poussent, H88 cm.

Qu’elles soient monumentales ou moins imposantes, les créations de Michadu emportent le spectateur dans un univers où il n’y a plus d’autres repères que leur puissance spatiale et leurs confidences intrinsèques. Se dévoilant à travers ses œuvres à qui veut bien regarder, l’artiste métamorphose le métal qu’il découpe, assemble, meule, soude… et peint avec force, détermination et sincérité. Ainsi, de ses combats pacifiques naissent des « Tronches » d’une abstraction sensible et néanmoins ultrapuissante, tant par leur forme, leurs couleurs que leur présence émotionnelle. En matérialisant ainsi les émotions et sentiments à travers ces singulières figures humaines, Michadu se dévoile au-delà des apparences… réveillant par résonance ce qui se tapit en chacun de nous.

Une œuvre qui fait sens

À fleur de peau, régi par les émotions qui le traversent du matin au soir et du soir au matin, l’artiste, indécrottable rêveur tourmenté, nourrit son imaginaire en permanence de tout ce qui l’entoure, matérialisant toutes les pensées qui l’inondent face aux réalités de l’existence, faites de souffrances et de joies, de révoltes et d’apaisement, de profondeur et de légèreté… Cette nécessité de créer qui décuple sa créativité, Michadu la partage avec Maryse, son « amoureuse » depuis plusieurs décennies, sans qui aucune œuvre n’existerait. À travers son regard, il mesure l’impact de ses créations, tantôt lisses et douces, tantôt brutes et sauvages, mais toujours avec une pointe de truculence acérée et bienveillante.

Pourquoi avoir choisi le métal ?
Après avoir pratiqué la peinture pendant des années, j’ai senti le besoin d’expérimenter le volume. Lors d’une formation d’ébénisterie, j’ai rencontré un sculpteur et la sculpture sur bois. Je recherchais davantage de spontanéité dans la création, ce matériau ne me correspondait pas totalement. En 2001, en pensant à mon père, l’idée d’utiliser son fer à souder s’est imposée pour travailler le métal récupéré sur des chantiers. Une révélation, comme un gosse devant une boîte de Meccano ! Avec le métal, j’avais enfin le droit à l’erreur : essayer, couper, meuler, recommencer…, ce qui est impossible avec le bois ou la pierre… L’art des cancres en quelque sorte [rire]. Le métal m’a offert la liberté d’exprimer ce qu’il y a enfoui au fond de moi.

A-t-il été difficile de t’imposer en galerie ?
Je me suis souvent retrouvé à pleurer sur un banc après avoir poussé les portes de nombreuses galeries et rencontré des galeristes qui ne prenaient même pas la peine de regarder mon travail. Heureusement, d’autres rencontres ont tout changé. Je ne remercierai jamais assez certaines personnes, notamment Jacqueline Lachaux. Elle m’a présenté Christophe Timsit de la galerie Art Génération qui a décelé le potentiel des Tronches. Il a été le premier à les exposer… et à les vendre, dont une à quelqu’un travaillant chez Christie’s d’ailleurs. Depuis, il a toujours été là pour moi ; il est donc important dans mon parcours artistique.

4. J’ai boulonné ma gueule, H85 cm.
5. Le dandy, 92 cm.
6. Natacha, 90 cm.

Ton style a largement évolué avec désormais des œuvres de plus en plus puissantes, par leur forme, leurs couleurs… et leur message. À quoi attribues-tu cette évolution ?
Pour moi, cette évolution est naturelle… Avoir passé le cap des 50 ans ne me permet plus de revenir en arrière. Et puisque je suis obligé d’aller jusqu’au bout, je n’érige plus de barrière dans ma création, travaillant seulement avec le cœur sans m’occuper de ce que l’on peut penser. Je n’ai plus ni besoin ni envie de plaire. Et je n’ai plus peur de cette puissance. Je me sens enfin libre !

Que se cache-t-il derrière cette explosion de formes et de couleurs ?
La vie, les émotions qui me traversent, mes souvenirs d’enfance, mes voyages – Bora-Bora, l’Australie, les Antilles… de là vient d’ailleurs ma palette de couleurs – et les rencontres. Avec toujours cette envie d’aller encore plus loin ! Peindre mes sculptures est pour moi une façon de gérer mes peurs, notamment de la mort, de l’oubli, du néant. Et comme la rouille qui s’installe sur le métal brut m’évoque cette fin, j’ai d’abord utilisé une patine bronze pour les recouvrir avant de choisir la peinture. Ces couleurs, symboles de vie, s’imposent à moi, comme si elles scintillaient sur la sculpture avant même que je les pose. Je les souligne ensuite d’un trait noir pour que chacune vive. Seule L’écorché, une de mes dernières pièces traitant de l’abus dont j’ai été victime à 12 ans, affiche des traits bleu pastel. Ainsi, j’espère qu’au premier regard le spectateur affiche un sourire sur ses lèvres et une lumière dans ses yeux… avant de faire le tour pour lire le texte.

7. Je sors la tête de l’eau, H 70 cm.
8. My names is Stain, 95 cm.
9. Il y a du vent en Bretagne, 77 cm.

Sculpter le fer relève-t-il toujours pour toi d’un combat ?
Absolument… même si, après 18 ans de travail, j’ai désormais fait la paix avec moi-même. Ce combat, qui me permettait auparavant de survivre, s’est mué grâce au lâcher prise en une joute exaltée. Comme un « gladiateur de l’imaginaire », j’ai envie d’entrer dans l’arène, de laisser libre cours à mon imagination, d’être dans la création pure, cherchant les surprises, les erreurs pour les transformer, les sublimer, courant après une chimère.

Tes Tronches sont-elles une volonté de sculpter l’humain et ses émotions ou est-ce inconscient ?
À un an, un accident a entrainé une déviation de ma cloison nasale. À 10 ans, une chute de vélo a déformé mon nez. À 16 ans, suite à trop de bagarres, j’ai développé une gangrène du nez… Après des années difficiles, j’ai appris à aimer ma « tronche » et compris qu’il valait mieux en avoir une ! Mes Tronches expriment ainsi qui je suis et l’émotion du moment. Elles traduisent aussi ce que chacun peut cacher derrière une apparence. La société nous oblige bien souvent à dissimuler ce que l’on pense, ce que l’on ressent, à camoufler qui l’on est réellement… C’est attristant même si cela permet parfois de se préserver. Je crois qu’il faut être fort émotionnellement pour affronter le monde !

10. Je ne vous entend plus 1, H82 cm.
12. Je prête serment à moi-même, H94 cm.

Pourquoi as-tu choisi de souvent travailler des sculptures monumentales ?
À l’origine, pour exister aux yeux de certains, montrer que le petit Stéphane était toujours là et bien vivant… mais aussi me prouver que j’en était capable. Pour autant, aujourd’hui, j’affectionne réellement le monumental ! J’aimerais d’ailleurs aller encore plus loin, en étant dans le partage pour transmettre mon savoir.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’à côté de Michadu, il y a Maryse…
Avec mon parcours compliqué et chaotique, j’aurais pu finir dans le caniveau. Maryse, qui a longtemps porté à bout de bras la famille, et l’art m’ont sauvé. Maryse a vu en moi ce que je ne voyais pas. J’ai besoin de mon art autant que j’ai besoin de Maryse. Sans elle, je ne pourrais pas créer. Maryse est d’ailleurs une partie de Michadu, en étant garante de l’équilibre émotionnel de celui que je suis, en étant aussi la première à poser son regard critique sur les œuvres… Si je vois l’étincelle dans ses yeux, je sais que je suis sur la bonne voie.

Quels sont tes projets ?
Outre des œuvres présentées en permanence chez Outsider, Art Génération et Cortade, j’expose, à la demande de Richard Vibert, maire de Ploubazlanec située face à l’île de Bréhat, et à l’initiative d’Agathe Kerambrun Le Tallec, attachée culturelle, 5 sculptures monumentales, dont L’écorché, pendant 9 mois [jusqu’à fin novembre, NDLR], sur le parvis de la mairie, nouveau lieu d’expositions éphémères. À l’atelier, je travaille sur mon nouveau projet, « Les écorchés », et je réfléchis à de nouvelles sculptures nourries des urgences sociétales, notamment environnementales. J’espère ainsi inciter les spectateurs à se mettre au vert… mais avec toujours une pointe d’humour.

Ton rêve ?
Faire la Halle Saint-Pierre à Paris, bâtiment de style Baltard que je trouve magnifique et qui est, pour moi, le temple de l’art brut !

13. Neptune s’accroche, 85 cm.
14. Le sourire de Pollock, 60 cm.
15. Le râtelier jaune, H72 cm.

A voir
Galerie Art Génération
67 rue de la Verrerie 75004 Paris
artgeneration.fr
Instagram : @galerie_artgeneration

Galerie Outsider
7/9 rue saint-Denis 76000 Rouen
10 rue du Général de Gaulle 95880 Enghien-les-Bains
outsidersgalerie.com
Instagram : @outsidersgaleries

Galerie Cortade
625 avenue de Paris 82000 Montauban
cortade-art.com
Instagram : @galeriecortadeart