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Galeriste

Jean-Pierre Arnoux Défenseur d’abstraction

Depuis 1986, ce collectionneur passionné s’est donné comme objectif de faire découvrir ou redécouvrir les avant-gardes abstraites des années 50, mais aussi de défendre son métier et l’attractivité de la Rive Gauche parisienne.
Par Christian Charreyre

Comment passe-t-on des métiers du conseil et du marketing au monde de l’art ?

Mes premiers achats, à oublier, datent du lycée. Mais c’est pendant mes études supérieures que j’ai constitué ma première vraie collection… et surtout pendant les 17 ans passés dans des agences de communication. Je savais que, dans la pub, on vieillissait mal… C’est donc tout naturellement que vers, la quarantaine, j’ai ouvert la galerie Arnoux à Saint-Germain-des-Prés, rue Guénégaud en 1986.

En 35 ans d’expérience, comment a évolué le marché de l’art ?

Pour simplifier, il y a deux marchés, de plus en plus différenciés. D’abord celui de quelques galeries et auctionners internationaux dont les clients viennent des États-Unis, de Russie, de Chine et des pays du Golfe. Ensuite l’autre marché auquel appartient la grande majorité des galeries et commissaires-priseurs, avec des prix plus modestes. Ce second segment est plus sensible à la conjoncture et devra faire face notamment aux conséquences économiques du Covid-19.

Et le métier de galeriste ?

Il a dû s’adapter aux impératifs des foires et de l’e-commerce… et aux crises régulières ! Mais c’est malgré tout un métier magnifique et j’ai eu la double chance d’avoir pu choisir et d’avoir aimé mes activités professionnelles successives.

Vous êtes très actif sur le second marché. Est-ce encore une démarche facile aujourd’hui pour un galeriste indépendant ?

J’ai d’abord été très actif sur le premier marché, pendant plus de 30 ans, même si c’était surtout avec les artistes des années 50. Depuis peu, pour suivre la demande, j’oriente ma galerie essentiellement sur le second marché, toujours avec les avant-gardes abstraites des années 50, mais avec des noms comme Debré, Hartung, Manessier, Poliakoff, Schneider, Singier et quelques autres, sans pour autant renoncer totalement au premier marché.

Votre galerie est l’une des « historiques » de Saint-Germain des Prés. Ce quartier est-il toujours un haut-lieu de l’art ?

Je suis très attaché à ce quartier et, pendant près de 30 ans, j’ai animé l’association de ses galeries. Certaines « historiques » ont disparu mais une nouvelle génération est en train de prendre le relais. Par ailleurs, si le nombre de galeries est resté constant, on assiste à une translation de l’art moderne et contemporain vers le design des années 50 et les arts premiers.

Pourquoi ce choix, dès l’origine, d’une spécialisation dans l’abstraction des années 1950 ?

Tout simplement parce qu’en ouvrant ma galerie, j’ai constaté que l’essentiel de ma collection était constitué d’œuvres des avant-gardes des années 50. Cette période a été tout à fait exceptionnelle. En effet, au lendemain de la guerre, Paris était l’épicentre de la création artistique dans le monde, véritable creuset où se retrouvaient les créateurs venus de l’Europe entière qui avaient fuit le joug des régimes nazis et communistes. Ces artistes ont eu le sentiment, à juste titre, d’avoir tout à reconstruire et ils ont révolutionné non seulement le langage pictural mais aussi l’expression artistique dans tous les domaines de la création.

Au-delà des choix esthétiques, ce segment est-il intéressant pour les collectionneurs ?

From the beginning of the 1960s, the invasion of Pop Art, a veritable Trojan horse, was imported from the United States with considerable means to invade Europe economically. This had the effect of stifling in the bud this extraordinary creativity of the immediate post-war period. Results ? There were some very high quality artists on the market at surprisingly low prices. Today, a few of them are beginning to emerge from the rut, but there are too few of them and we are entitled to consider that this avant-garde of the 1950s may still have some good surprises in store. Moreover, compared to young artists without a past and an
uncertain future, their works are time-barred and therefore without risk of disappointment!

From this period, who are the most interesting artists?

Beyond the known names, already mentioned, we can look at the artists supported by the gallery such as Oscar Gauthier, Wladyslaw Lopuszniak, David Malkin… or Wanda Davanzo, Ernest EngelPak and Paul Ténèze.

You also have a policy of supporting contemporary artists. On what basis do you select them?

The sculptor Yves Guérin, for example, with whom I have been working for twenty years, and a few rare contemporary artists have all been carefully chosen with the eye of the collector more than that of the dealer. So, first of all, I have to be sensitive to their work; then that their expression is unprecedented in the 1950s.

What advice would you give to collectors?

First, not to confuse price and value; both can vary greatly over time and independently of each other. Then, to choose the artists with the eyes, not with the ears. Finally, to favor emotion, the origin of which is often unconscious and which, by definition, is very personal.

You are very involved with Unicef. Art and charity, an obvious partnership for you?

For decades, I have invested in causes of collective or general interest. UNICEF is one of them. Art and charity both appeal to sensitivity and emotion. The many charity sales that I organized, from 2004, for the benefit of Unicef ​​prove that they can also get closer on the financial level.

 

 

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