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La peinture métaphysique de Giorgio de Chirico

Découvert par Apollinaire et soutenu par le marchand Paul Guillaume, Giorgio de Chirico, artiste inclassable d’abord admiré puis détesté par les surréalistes, a produit une œuvre énigmatique, dominée par la passion du bien peint.
Par Roxane Blache

La peinture de Giorgio de Chirico (1888-1978) a fasciné Apollinaire, Picasso, Malevitch ou Van Doesburg, intrigué dadaïstes et futuristes avant de compter au nombre des référents des peintres surréalistes. Inventeur de la peinture métaphysique, le peintre est le créateur d’un monde pictural énigmatique. Influencé par la pensée des philosophes du début du XXe siècle, il a tenté de traduire la sensation et l’aspect mystique des textes philosophiques dans ses tableaux. « L’abolition du sens en art, ce n’est pas nous les peintres qui l’avons inventée. Soyons justes, cette découverte revient au polonais Nietzsche, et si le français Rimbaud fut le premier à l’appliquer dans la poésie, c’est votre serviteur qui l’appliqua pour la première fois dans la peinture ». C’est ainsi que Giorgio de Chirico définit son art métaphysique qui court de 1911 à 1918.

Un vocabulaire plastique singulier

Né en Grèce et formé dans le creuset de la culture classique et du romantisme allemand tardif, de Chirico développe les fondements d’une nouvelle conception artistique aux côtés de son frère cadet Alberto Savinio. Élève à l’Académie des Beaux-Arts de Munich à partir de 1908, il découvre la pensée de Nietzsche et Schopenhauer ainsi que les œuvres de Böcklin et de Klinger. En 1910, il quitte Munich pour Florence où il réalise son premier tableau métaphysique, Énigme d’un après-midi d’automne, première œuvre de la série des places italiennes qui feront par la suite sa réputation. Ces toiles se caractérisent par un vide et une désolation empreints de mystère, révélés par les formes carrées et donnant au spectateur l’illusion de pénétrer dans un monde onirique. Après un passage à Florence, c’est cependant depuis la France, à Paris dès l’automne 1911, qu’il met en place un vocabulaire plastique singulier au contact des révolutions picturales modernistes. Il est très vite remarqué par certaines personnalités artistiques de son temps. Guillaume Apollinaire, Maurice Raynal et André Salmon, mais aussi André Breton, Paul Éluard, Jean Paulhan, sont parmi les premiers à s’intéresser à son œuvre et à la promouvoir.

Une œuvre énigmatique

Peintre italien, issu d’une vieille famille de Constantinople, parfaitement cosmopolite, de Chirico fut l’une des grandes figures de la galerie Paul Guillaume qui le représente jusque dans les années 1930. Et l’épisode bien connu d’André Breton découvrant dans la vitrine de la galerie le tableau Le Revenant (Le Cerveau de l’enfant), qui cristallisa son idée d’une peinture métaphysique, ou encore l’hommage que peignit Picasso en 1915 à travers son tableau, L’homme assis au chapeau melon rappellent l’importance de cet artiste pour l’art moderne. « Pour qu’une œuvre d’art soit vraiment immortelle, il faut qu’elle sorte complètement des limites de l’humain. De cette façon elle s’approchera du rêve et de la mentalité enfantine », écrit de Chirico au début de sa carrière. L’exposition au Musée de l’Orangerie retrace ainsi le parcours et les influences artistiques et philosophiques qui ont nourri de Chirico de Munich à Paris et enfin à Ferrare. De manière inédite sont mis en lumière les liens du peintre avec les cercles culturels et littéraires de son temps à travers une sélection exigeante d’une soixantaine d’œuvres peintures, sculptures, dessins de Giorgio de Chirico mises en relation avec quelques œuvres d’artistes tels que Böcklin et Klinger, Archipenko, Magnelli, ou encore les peintures métaphysiques de Carrà et Morandi. Une approche resserrée sur quelques années pour découvrir une œuvre belle et énigmatique.

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