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Galeriste

Chez LOO & LOU GALLERY, Bruno Blosse joue la différence

Impliqué dans ce projet un peu fou par les deux fondateurs passionnés d’art contemporain, Patrice Lucas et Aurélie Deguest, le directeur artistique défend une vision du métier de galeriste portée par la rencontre et le partage.

Lou & Lou Gallery et l’Atelier
20 rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris
looandlougallery.com

Instagram : @looandlou

Située un peu à l’écart des galeries du Marais mais au cœur d’un quartier de Paris vivant et en pleine évolution, la Lou & Loo Gallery propose une programmation originale. Les artistes qu’elle soutient pour certains depuis sa création il y a sept ans, ont tous une proposition artistique forte. L’organisation d’une première exposition collective présentant le travail de onze d’entre eux est l’occasion d’en découvrir un peu plus.

Comment est né le projet de la galerie ?
C’est une idée portée par Patrice Lucas et Aurélie Deguest. Patrice est entrepreneur dans les énergies renouvelables, Aurélie est artiste et tous deux sont collectionneurs. Ils ont fait beaucoup de foires mais ne se sont pas retrouvés dans ce qu’ils ont vu. Alors, puisqu’ils pouvaient le faire, ils ont souhaité soutenir les artistes qu’ils aimaient et qui étaient pour beaucoup en sous-représentation. Pour cela, ils ont décidé d’ouvrir à la fois une fondation et une galerie.

Comment êtes-vous devenu directeur artistique de cette galerie ?
J’ai un parcours essentiellement institutionnel dans la culture puisque j’ai passé treize années magnifiques aux affaires culturelles de la ville de Paris où j’étais en charge des relations extérieures. J’avais donc une vue assez transversale de ce qui se faisait. En 2011, j’ai rencontré Patrice et Aurélie qui m’ont présenté leur projet que j’ai trouvé ambitieux et original. Lorsqu’ils ont créé leur fondation, je les ai accompagnés sur des projets artistiques, notamment une proposition chaque année pour la Nuit Blanche. En 2014, j’ai intégré la fondation où je participe aux décisions. Et en 2015, la galerie à ouvert ses portes…

Vous n’avez pas vraiment le profil d’un galeriste classique…
En effet. Il y a un rapport à l’économie qui m’intéressait moins. En travaillant dans les institutions, il n’y a pas cet aspect, même si j’ai toujours beaucoup défendu les artistes, notamment en les aidant à s’orienter dans les méandres de l’administration. Je crois que c’est ce lien avec les artistes qui m’a conduit à accepter ce travail.

Comment est définie la ligne éditoriale de la galerie ?
Nous décidons ensemble de la programmation, bien que nous ayons des sensibilités différentes. Aurélie, par exemple, est la « patte » expressionniste de la galerie – Lydie Aricks, Olivier de Sagazan… – ; je suis plus proche d’artistes comme Dominique Lacloche, Johan Van Mullem… ou encore Arghaël que je connais depuis plus de 30 ans et qui travaillait dans le monde de l’image. Patrice se situe quelque part entre nous deux. Mais nous défendons tous nos artistes de la même manière. Nous avons un fonctionnement collégial, il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre nous.

Vous ne présentez pas que des artistes français…
Nous avons notamment très envie de travailler avec l’Afrique, mais cela prend du temps. Nous avons commencé avec un artiste contemporain un peu phare de la scène sud-africaine, Nelson Makamo, et cela s’est très bien passé. La moitié des œuvres s’est vendue avant même l’exposition. Nous avons bénéficié de circonstances très favorables puisqu’il avait la Une du Times en février et était soutenu par Oprah Winfrey et Barack Obama. Toutes les planètes étaient alignées, cela arrive parfois, mais pas toujours malheureusement parce que le métier est difficile. Cette année, nous avons aussi présenté Andrew Ntshabele. C’est un ami collectionneur de Patrice et Aurélie qui nous l’a fait découvrir et il se trouve qu’il vit dans la même ville que Nelson Makamo. Lui aussi porte un regard assez positif sur la société post-apartheid.

Comment envisagez-vous la relation entre les artistes et la galerie ?
L’idée est de s’engager réellement avec les artistes pour une durée minimum de trois ans, parce que cela ne nous intéresse pas de faire des « one shots », avec au moins un événement par an. Et nous arrivons à peu près à nous y tenir. En sept ans, il y a eu près de 30 expositions monographiques, avec un noyau resserré d’une quinzaine d’artistes, dont la plupart – exceptés ceux qui nous ont rejoints plus récemment – ont eu au moins 3 collaborations avec nous.

À côté de la galerie historique, vous avez ouvert un second lieu, l’Atelier. Avec quel objectif ?
La question de la récurrence des événements est importante. Pour un artiste, n’être présenté qu’une fois tous les ans ou tous les ans et demi, est insuffisant. Jusqu’en 2019, nous avions deux lieux d’exposition, dans le Haut-Marais et avenue Georges V, une adresse prestigieuse mais un peu à l’écart des galeries et qui a beaucoup souffert aux moments des Gilets Jaunes. Je trouvais intéressant d’avoir deux lieux pour favoriser la rotation, mais c’est très compliqué, il faut se dédoubler. L’Atelier est une ancienne boutique d’encadrement que nous avons repris en 2016. C’est un nom un peu fourre-tout où nous pouvons organiser des performances – Lydie Arickx est formidable dans cette exercice –, présenter des work in progress, accueillir des étudiants en résidence, comme dans le cadre de notre partenariat avec la Casa Velasquez. C’est une vitrine sur la rue et cela fonctionne très bien. Nous pouvons aussi y accueillir de nouveaux artistes, pour un premier retour et un premier ressenti sur leur travail, et voir concrètement comment se passe la collaboration.

Vous accueillez des curateurs extérieurs pour des expositions…
Pas assez ! C’est toujours intéressant d’avoir un regard extérieur, de se confronter à de nouvelles idées, à de nouveaux publics. Nous l’avons fait avec Clara Daquin, qui a fait une proposition différente de la nôtre, mais conforme à l’esprit de la galerie. Cela aurait pu être l’occasion de trouver des collaborations avec de nouveaux artistes, même si cela ne s’est pas fait.

En sept ans, comment a évolué le marché de l’art ?
Je ne dirais pas que pour moi, le « marché » est une notion abstraite, mais je n’ai pas forcément le recul nécessaire pour des analyses. J’essaie de me tenir au courant. Il semble qu’il y ait toujours un dynamisme, notamment au niveau des foires, mais je ne le perçois pas forcément au niveau de mon activité au quotidien. Faire venir les collectionneurs est un travail de tous les jours. Ce qui est indéniable, c’est que la pandémie a changé la donne avec un aspect positif : les musées étant fermés, un nouveau public a découvert les galeries et vient toujours, en grande partie. Il y aussi la nécessité d’être présent sur les réseaux sociaux, d’avoir une activité en ligne. Dans un contexte difficile, il faut faire feu de tout bois, multiplier les entrées possibles.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez lancé un catalogue d’œuvres originales à moins de 1.000 euros ?
Je me suis pris au jeu de l’aspect économique parce que gagner de l’argent est le meilleur moyen d’aider les artistes et de permettre au projet de continuer. Avec les réseaux sociaux, j’ai constaté qu’il existait une demande directement sur Instagram de personnes prêtes à acheter une œuvre sans l’avoir vue. Nous nous sommes dit que c’était intéressant de proposer des prix plus accessibles. En deux ans, nous en avons vendues à ceux qui ne seraient sans doute pas venus à la galerie.

Vous organisez votre première exposition collective. Pourquoi maintenant ? Et pourquoi seulement maintenant ?
Depuis le début, nous avons privilégié les expositions individuelles car, selon moi, organiser une exposition collective au bout de deux ou trois ans n’avait pas beaucoup de sens. Je ne voulais pas que les gens pensent que l’on avait deux ou trois mois de libre remplis avec ce que l’on avait. Les expositions collectives font parfois un peu vide-grenier. Depuis, sept ans, un cycle, tous nos artistes sont passés deux ou trois fois. La thématique de la nature s’est imposée comme un trait commun lorsque j’ai commencé à lister les artistes, même s’ils n’ont rien à voir et viennent d’univers opposés. C’est donc le moment de faire une photographie de notre programmation. J’ai souhaité faire appel à un curateur extérieur mais cela n’a pu se faire. J’ai donc repris le projet en juillet dernier…