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Parlons-en !

Quand le chaos inspire les créations d’HENDRIK CZAKAINSKI

L’univers original d’Hendrik Czakainski ne cesse de nous fasciner. Cette troisième exposition personnelle à la galerie Wallworks invite à plonger – pratiquement au sens littéral – dans ces étonnantes œuvres en 3D évoquant le chaos de notre monde plus que moderne.

À voir
« Technosphere »

Du 17 février au 22 avril 2023
Galerie Wallworks
4 rue Martel 75010 Paris
galerie-wallworks.com
Instagram : @galeriewallworks
Hendrik Czakainski : hendrikczakainski.com
Instagram : @hendrik_czakainski

Hendrik Czakainski

Technosphère, le nom choisi pour cette nouvelle exposition parisienne de l’artiste berlinois. Un terme qui désigne tout ce qui, dans notre environnement, a été fabriqué ou modifié par l’homme. « J’ai trouvé ce mot avant même d’avoir produit des œuvres. Il me semble qu’il décrit bien ce que je fais. Ce qui inspire mes tableaux a toujours été réalisé par l’homme », explique l’artiste. Si ses créations peuvent évoquer des villes, souvent en proie à la destruction, ou des machines industrielles, parfois inquiétantes, l’artiste ne se voit pourtant pas comme dépeignant le réel. « Je dirais que mes œuvres sont des compositions abstraites fortement inspirées par la réalité. Parfois, vous pouvez en effet les voir comme très réalistes ; parfois, seuls quelques détails sont réalistes. Mais cette dimension disparaît lorsque l’on regarde l’œuvre de loin. Je crois néanmoins que beaucoup aiment reconnaître quelque chose au premier regard. Cela permet de se raconter une histoire. Et c’est aussi amusant pour moi de découvrir ce que les spectateurs imaginent, on peut alors en discuter avec eux alors que, devant une œuvre totalement abstraite, il est plus difficile d’interagir avec ceux qui regardent ».

Technosphère décrit bien ce que je fais. Ce qui inspire mes tableaux a toujours été réalisé par l’homme.

Hendrik Czakainski

Évolution ou libération ?
Le travail d’Hendrik Czakainski séduit d’abord par son originalité – des œuvres en 3D, entre peintures et sculptures – et la puissante énergie qui s’en dégage. Ce travailleur acharné est en effet en recherche perpétuelle. « J’essaie toujours d’expérimenter de nouvelles choses. C’est une histoire sans fin. Je ne travaille pas spécifiquement pour une exposition. Lorsque cela arrive, je montre ce que je fais, là où j’en suis. Parfois, je regarde deux de mes tableaux et vois qu’ils forment un bel ensemble ». Pour différentes qu’elles soient, les œuvres réunies ici ont en effet une indéniable unité. À ce propos, l’artiste évoque l’odeur des différentes surfaces sous les premiers rayons de soleil après une averse ! « C’est en discutant avec mon assistant que cette idée m’est venue. L’homme produit tellement de matériaux différents. Et chacun a sa propre odeur. Imaginez par exemple un gigantesque complexe industriel comme il en existait dans l’ex Union Soviétique. Les odeurs devaient être incroyables. Evidemment, devant les œuvres, les spectateurs ne sentiront probablement rien… Ou peut-être que si, finalement. Je devrais leur demander… » [rires].
Si cette nouvelle série s’inscrit donc naturellement dans la continuité, elle est aussi marquée par plusieurs tendances. La première, c’est la présence plus marquée de la couleur. « C’est vrai qu’il y en a de plus en plus. Il y a de nombreuses années, j’ai commencé par la peinture et c’est réellement agréable de retrouver la couleur aujourd’hui. Après tout, je ne suis pas si mauvais [rires]. Mais je ne travaille pas comme un peintre qui sait exactement ce qu’il veut obtenir. Je pose des couleurs très fluides sur les tableaux et j’attends de voir ce qui se passe après un ou deux jours. C’est une expérience géniale, un peu folle, toujours surprenante. Parfois, le résultat est bon, parfois non, parfois il faut retravailler. C’est quelque chose que j’aime particulièrement ».
La seconde, c’est la diversification, avec de nouveaux éléments à côté des « houses » (petits cubes évoquant des bâtiments) historiques dans son travail, comme ces cercles géants évoquant les rouages de machines ou des engrenages broyant notre univers. « J’essaie toujours de trouver de nouvelles formes mais ce n’est pas si simple. Un long processus et qui ne fonctionne pas toujours. J’essaie aussi de trouver de nouvelles associations entre les éléments de mon travail. Par exemple, j’ai réalisé un croquis où l’assemblage de maisons donne l’impression de créer un cercle. Mais je ne suis pas encore passé à la réalisation ! ».

Invitation à la réflexion
Si Hendrik Czakainski s’inspire donc de notre monde, avec des créations qui « traitent du choc qu’imposent la globalisation, l’industrialisation et les changements démographiques, induisant les questions humanitaires et les catastrophes naturelles », il s’agit d’abord d’une démarche esthétique, qui « se situe entre la dévastation, la destruction et la beauté, la simplicité des lignes et des surfaces qui composent mes structures. J’oscille sans cesse entre ordre et chaos, norme et déviation, concret et abstrait ». Pour autant, impossible de ne pas voir l’importance de la prise de conscience environnementale de l’artiste. « Toute mon inspiration vient des problèmes du monde. Et il est impossible de ne pas voir qu’il y a de plus en plus de destruction sur notre planète. Néanmoins, je ne suis pas quelqu’un de pessimiste. Le futur n’est pas rassurant mais il y a des raisons d’espérer ».
Si ses tableaux poussent naturellement à s’interroger, le plasticien préfère laisser chacun se faire sa propre opinion, comme l’illustre cette anecdote. « L’un de mes tableaux [Pivot Points II, NDLR] est en partie peint avec un jaune très lumineux. Mais, à l’origine, cette partie était en gris sombre ! J’ai essayé cette couleur brillante et ai été impressionné. On peut y voir un symbole positif mais je n’ai pas voulu utiliser cette couleur pour passer un message. D’ailleurs, quelqu’un est passé récemment à mon atelier et, pour lui, ce jaune évoque plutôt un signal d’alerte. Chacun peut donc lire mes tableaux comme il le souhaite. Ce n’est pas moi et mon opinion qui importent. Nous avons tous notre propre histoire, notre propre vision. Et l’art est aussi une question de jeu ». Et de magie. Avec cette exposition, impossible de ne pas y céder.