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« Musées en exil » au MOCO

Au-delà de l’éclairage mis sur le patrimoine comme symbole collectif à protéger, sur l’acte de création comme acte de résistance et d’espoir, cette exposition consacrée aux collections en exil interroge sur la place de l’art face aux conflits et tensions qui secouent aujourd’hui le monde.

MOCO Hôtel des collections
13 rue de la République 34000 Montpellier
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
www.moco.art

« Musées en exil »
Jusqu’au 5 février 2023

« Immortelle »
Du 11 mars au 7 mai 2023

Le MOCO prend place en cœur de ville de Montpellier, au sein de l’ex Hôtel Montcalm, hôtel particulier du début du XIXe siècle, qui accueillait un quartier général militaire avant sa cession à la municipalité. Le premier projet muséal sur l’histoire de la France en Algérie est interrompu en 2014, laissant la place au MOCO, dont l’écosystème réunit l’ENSBA (École nationale supérieure des Beaux-Arts), La Panacée (un espace d’expérimentation et d’exposition pour les artistes émergents) et l’Hôtel des collections, un espace muséal dédié à l’accueil de collections publiques ou privées, françaises ou internationales, avec le parti pris de ne pas avoir de collection permanente propre.
L’Hôtel des collections, conçu par PCA-Stream offre une approche architecturale non-formaliste. En effet, ce bâtiment-outil privilégie la flexibilité au sein de trois grands modules permettant d’accueillir tout type d’œuvres : vidéos, photographies, peintures, sculptures, installations… Un système de dalles lumineuses offre une luminosité globale homogène, complétée par des rails de spots adaptables aux spécificités des scénographies. Côté cour, une surélévation contemporaine minimaliste rétroéclairée la nuit couronne l’ancien mess des officiers. Au-delà de l’institution artistique, l’Hôtel des collections est également un lieu de vie avec le restaurant, le parc arboré paysagé mais aussi la librairie et l’espace boutique du rez-de-chaussée. Au-delà des trois expositions temporaires présentées chaque année, l’Hôtel des collections accueille également des interventions d’artistes en lien direct avec son architecture. Ainsi, avant même de pénétrer dans les espaces d’exposition, les visiteurs découvrent librement des propositions artistiques originales.

L’actualité en point de mire
C’est donc dans les 1.282 m2 d’espace d’exposition du MOCO que « Musées en exil » se déploie. Son ambition ? Aborder le rôle clé des biens culturels dans la construction d’une identité par et pour des communautés déchirées à travers l’histoire de trois collections singulières : celle du Musée International de la Résistance Salvador Allende (MIRSA) conservée au Museo de la Solidaridad Salvador Allende du Chili ; Ars Aevi, collection du Musée d’art contemporain de Sarajevo ; celle rassemblée pour le futur Musée national d’Art moderne et contemporain de la Palestine, actuellement déposée au musée de l’Institut du monde arabe à Paris. « Tandis que nous préparions cette exposition, les troupes russes sont entrées en Ukraine et les obus ont commencé à tomber sur les sites culturels. Le 23 juin, l’UNESCO en comptabilisait 152 détruits totalement ou partiellement. Du musée d’art Arkhip Kouïndji de Marioupol et des 2.000 œuvres qu’il conservait, il ne reste aujourd’hui que des cendres », témoigne Numa Hambursin, Directeur général du MOCO. Face aux conflits qui secouent actuellement le monde, l’exposition résonne ainsi particulièrement, prouvant que la destruction et la confiscation des œuvres d’art qui ont accompagné toutes les guerres au fil des siècles et des continents n’a visiblement pas servi de leçon, alors que « L’art est à l’homme ce que la nature est à Dieu », écrivait Victor Hugo.

Trois collections exemplaires
L’exposition s’ouvre sur les collections réunies pour le musée international de la Résistance à Santiago. En 1972, Salvador Allende ouvre un Musée de la Solidarité qui est démantelé et pillé par Pinochet après son coup d’état de 1973, précipitant l’exil massif des artistes. Traqués et chassés de leur pays, ils se retrouvent en Europe, notamment en France. De leurs différents refuges, ils créent une collection pour rendre hommage à Allende, poursuivre son action, dénoncer la dictature et alerter la communauté internationale. Ces œuvres ont aujourd’hui réintégré le Museo de la Solidaridad Salvador Allende à Santiago de Chile. « Ces œuvres permettent d’aborder à la fois les courants esthétiques propres à l’époque, comme la figuration narrative et l’art cinétique, l’engagement de quelques figures tutélaires, notamment Wifredo Lam, Roberto Matta ou Zoran Mušic, l’internationalisme et le discours politique qui en émane », indiquent Vincent Honoré et Pauline Faure, Commissaires de l’exposition.
L’exposition nous entraîne ensuite à la découverte des œuvres qui orneront le futur musée d’art contemporain, Ars Aevi, dont l’ouverture est prévue à Sarajevo, capitale de Bosnie-Herzegovine au printemps 2023. Elle rassemble des stars internationales de l’art contemporain en état de sidération devant la barbarie renaissante en Europe, notamment Michelangelo Pistoletto, Marina Abramovic, Christian Boltanski…, en réaction à la guerre civile et les atrocités de quatre années de siège. Enfin, la troisième partie est consacrée au futur musée de Palestine, dont le fonds est hébergé par l’Institut du monde arabe, à Paris… en attendant l’hypothétique fin du conflit israélo-palestinien. « Dans des formes très variées, mêlant les médiums, les générations… les œuvres symbolisent encore une fois l’engagement international », celui de Gérard Voisin, d’Henri Cueco, de Mercédès Klausner, de Jean-Michel Alberola…

Mise en contexte historique
Cette sélection d’œuvres, qui permet de découvrir chacune de ces trois collections, « inscrites dans des contextes politiques et géographiques bien particuliers mais dont la portée est universelle », est précédée d’une mise en contexte historique, et d’une introduction qui aborde la problématique du patrimoine en temps de conflit. Retour sur sur l’évacuation du Prado en 1936 face aux avancées franquistes et aux risques de destruction. Plus de 300 chefs-d’œuvre sont alors cachés pendant trois ans en Espagne, En février 1939, après un périple en camion sous les bombes, puis à travers la France en train, les collections exilées trouvent refuge en Suisse, au moment où les troupes de Franco prennent Madrid. L’évacuation du Prado est une répétition pour celle du Louvre en 1939, minutieusement planifiée, pour sauver le patrimoine français des destructions et pillages. Les collections quittent Paris la veille de la guerre, s’exilent d’abord en France, puis en « zone libre », occupant plusieurs châteaux et monuments. Ce n’est qu’à partir de 1945 et la capitulation de l’Allemagne que les collections des musées de France retrouvent leurs lieux de conservation originels. Enfin, parce que « la mobilisation des artistes et des institutions culturelles incarne l’espoir et le refus de se résigner », indique les commissaires, l’exposition évoque évidemment la situation en Ukraine où les artistes continuent de créer malgré les tirs et les bombes, cherchant des moyens d’existence et de visibilité. 16 œuvres d’artistes ukrainiens restés sur place et rassemblées par Art to Print sont présentées, ainsi qu’une commande in situ réalisée par l’artiste ukrainienne Daria Koltsova, Theory of Protection.


Soutien aux artistes
« Musées en exil » est l’occasion pour le MOCO de soutenir l’ensemble des artistes menacés par des contextes de guerre ou de persécution. Une partie des recettes de la billetterie sera ainsi reversée à l’association Artists at Risk qui, depuis 2013, finance et aide à organiser l’accueil d’artistes exilés ou menacés partout dans le monde, à travers un réseau international d’institutions ou d’organismes publics partenaires.