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Parlons-en !

AUDE HERLÉDAN, l’art et la matière

Cette femme a eu plusieurs vies, toutes marquées par le goût de la création. Depuis qu’elle se consacre entièrement à la peinture et à la sculpture, elle a imposé sur la scène française et internationale une œuvre originale et puissante.
www.audeherledan.com
Instagram : @audeherledan

Après avoir passé son enfance à Kinshasa au Congo, et son adolescence à Paris, Aude Herlédan part, seule, poursuivre ses études à Londres où une rencontre avec le collectionneur Samuel-Francis Clapp change son destin. Après avoir terminé ses études, elle part vivre à Recife puis à Manaus, au Brésil, dans une communauté d’artistes. Elle accepte ensuite de conduire des missions artistiques pour l’ONU, à Nairobi au Kenya. Elle y fait la connaissance du photographe américain David Blumenkrantz, avec qui elle fonde un laboratoire photographique destiné aux journalistes kenyans, et réalise elle-même de nombreux reportages photographiques en Afrique de l’est, avant de devenir directrice de création dans une agence de publicité.

Comment s’est passée votre rencontre avec l’art ?
À la sortie de l’adolescence, je voulais vivre seule, grandir, être autonome. J’avais des amis qui vivaient à Londres et je suis partie repasser mon bac – que je l’avais raté à Paris [rires] – au lycée français. Par un ami, j’ai rencontré Samuel-Francis Clapp, grand spécialiste des œuvres de Gustave Doré. Il voulait perfectionner son français et cherchait quelqu’un pour faire la conversation… et c’est moi qui ai beaucoup appris grâce à lui [rires]. J’ai eu la chance d’aller dans des expositions, des salles de ventes… Il m’a incitée à étudier l’art.

Vous avez donc eu une formation classique…
De retour à Paris, je me suis inscrite à l’École Estienne et aux Beaux-Arts. Estienne parce que j’avais la volonté de gagner rapidement ma vie ; les Beaux-Arts, pour le plaisir et la culture. Estienne m’a donné un métier mais aussi appris à travailler sérieusement, à être créative efficacement, à aller vers les gens et même à développer un côté commercial. Parallèlement, j’ai toujours eu une pratique artistique personnelle. J’ai d’ailleurs continué de suivre des cours aux Beaux-Arts pendant des années. Mais je n’avais pas envie de présenter mon travail s’il n’apportait pas quelque chose de différent. Je ne voyais pas l’intérêt de faire comme les autres. S’exposer, c’est assez particulier, il faut se sentir prêt. Il y a des artistes qui le sont à 20 ans, moi je ne l’étais pas [rires].

Quand avez-vous su que vous étiez prête ?
J’ai travaillé énormément la laque, noire et couleurs, toujours dans l’abstraction. Mais c’est lorsque j’ai découvert cette matière blanche que j’ai su que je tenais réellement quelque chose. J’ai essayé différents matériaux qui ne me convenaient pas, jusqu’à faire fabriquer celle que j’utilise aujourd’hui spécialement pour moi.

Que vous apporte-t-elle ?
D’exprimer ce que je voulais, ce que j’ai appelé par la suite les landscape soul, les paysages de l’âme. Je souhaite qu’on lise mes peintures abstraites comme un paysage, mais avec des émotions, celles des gens que j’ai rencontrés. C’est un peu le fil rouge de mon travail. Cette matière me permet de raconter mes différentes histoires. L’Afrique, bien sûr, où j’ai passé mon enfance et où je suis retournée pour l’ONU et pour des reportages photographiques ; le Brésil aussi où j’ai vécu 6 mois. Et d’autres voyages…

Il y a également un apport de couleurs vives dans certaines de vos toiles…
Oui, parce que j’ai besoin de récréation [rires]. Cela dépend du moment. Je n’ai pas de plan, je peux avoir lu un livre, un poème ou rencontré quelqu’un qui m’a inspirée. Mon travail, c’est une idée qui s’inscrit sur la toile. J’aime essayer de nouveaux matériaux, comme l’encre, le brou de noix… Mais j’ai un défaut, peut-être, je déteste me reproduire. Cela m’intéresse peu de refaire ce que j’ai déjà fait. J’aime l’idée que les œuvres soient uniques, pour moi comme pour les collectionneurs.

Avez-vous toujours pratiqué peinture et sculpture en parallèle ?
Oui. La différence c’est que j’ai appris la peinture de manière académique alors qu’en sculpture, je suis pratiquement autodidacte, j’ai juste pris quelques cours pour les aspects techniques. Aux Beaux-Arts, j’ai beaucoup dessiné de nus et le passage de la matière sur la toile à la main sur la terre s’est fait presque naturellement.

Vos peintures et vos sculptures se répondent, mais semblent avoir deux identités propres…
Ce sont en effet deux univers distincts et deux temporalités différentes. Ma peinture est purement abstraite alors que ma sculpture est plus figurative. Je peux passer six mois à un an sur une sculpture. Avec la terre il n’y a pas d’urgence, j’aime prendre mon temps. Et le processus pour faire un bronze est, de toute manière, très long : le dessin, le modelage, le séchage, la cuisson, la réalisation d’un moule, le coulage de la cire, la ciselure, la patine… Alors qu’une peinture, si j’ai vraiment l’énergie, une idée très claire, peut naître en quatre ou cinq jours. Je mène les deux en parallèle. J’ai un atelier particulier en Sologne pour la peinture et je vais tous les mercredis à un atelier collectif dans le Marais pour la sculpture. Vous ne pouvez pas partager l’espace entre les deux.

De votre formation, vous avez gardé une approche assez traditionnelle, avec une étape de dessin préalable…
Cela vient d’Estienne. J’ai appris à transmettre avec des dessins précis ce que j’imaginais à ceux qui réalisaient, et cela m’est resté. Même pour les peintures abstraites, tout est dessiné. La structure de la peinture n’est pas détaillée, mais la composition est esquissée puis dessinée sur la toile. J’essaie d’être très exigeante, je ne suis pas une peintre qui improvise. Pour autant, avec la matière blanche, tout est dans l’énergie… Et tout peut arriver, je peux même rater la toile, sans possibilité de rattrapage. Lorsque cela arrive, il faut la mettre à la poubelle. J’aime bien ce contraste entre le temps de la préparation et cette urgence.

Quelles sont vos influences artistiques ?
Si on parle de peinture, Pollock, Nicolas de Staël… En sculpture, Henri Moore, Barbara Hepworth… J’aime beaucoup le travail d’esquisse d’Henri Laurens qui, comme tous les sculpteurs, à commencer par Rodin, ont toujours beaucoup dessiné. Albert Camus a aussi été une source d’inspiration importante, pour les émotions mais aussi du visuel. Dans la littérature de Camus, il y a des couleurs, des vibrations. Les poésies de mon père m’ont aussi beaucoup nourrie.

Il y a aussi une originalité dans votre parcours, c’est la dualité entre artiste et galeriste…
Je suis de moins en moins galeriste, par manque de temps. Mais j’ai beaucoup aimé ça. Avec mon mari, nous avons d’abord voulu un lieu pour présenter mes peintures. Et comme nous aimons tous deux les rencontres, nous avons eu envie de présenter d’autres artistes. Je fais partie de ceux qui aiment travailler, échanger, collaborer avec d’autres. Picasso a travaillé avec Max Ernst, cotoyé Matisse… J’aime aussi rencontrer les collectionneurs et ceux qui vont peut-être le devenir. Je me nourris du partage, c’est indispensable et j’apprends plein de choses grâce à eux.


Où voir ses œuvres
Les toiles et les sculptures d’Aude Herlédan sont présentées dans la galerie parisienne qu’elle a ouverte avec son mari. Elle expose également à Minorque et l’Île de Ré, ainsi qu’à Los Angeles et San Francisco et New-York chez, Marianne Rosenberg.

1831 Art Gallery
6 rue de Lille 75007 Paris

Rosenberg & Co.
19 E 66th St, New York, NY 10065