S’il trouve son inspiration dans les classiques de l’art, de Johannes Vermeer à Léonard de Vinci, Captain Co est sans conteste un artiste de son temps, digne des plus grandes institutions.
Par Gabrielle Gauthier
Diplômé en conservation et restauration d’œuvres d’art, Captain Co a étudié l’histoire de l’art et la copie, avant d’œuvrer comme restaurateur de biens culturels. De ces années, l’artiste conserve une connaissance approfondie de l’art académique ainsi qu’une exceptionnelle maîtrise technique. Des bases dont il a su s’affranchir pour proposer un « art académique contemporain » à travers lequel il réinterprète magistralement les peintures ou sculptures de maîtres classiques.
Intelligence et modestie
Par ses réinterprétations d’œuvres présentes dans l’inconscient collectif, toutes subtiles et intelligentes, l’artiste confronte magnifiquement art classique et art contemporain. Sa touche figurative, qui joue admirablement de l’ombre et de la lumière et où pointe un soupçon d’expressionnisme abstrait, est sublimée par l’application de couleurs contrastées et l’insertion de Codex dans le champ pictural. Avec humilité, les vibrantes appropriations de Captain Co, loin d’être injurieuses vis à vis des œuvres originales, leur rendent ainsi un bien bel hommage, témoignant que l’art est intemporel. Un travail « muséal » qui devrait faire date.
Dans votre pratique picturale personnelle, vous avez d’abord été inspiré par le Pop Art ?
Pour mes recherches picturales et ma production personnelle, j’ai eu besoin de m’éloigner de ma formation académique, une façon d’essayer différentes choses, de travailler d’une manière moins théorique, moins scolaire. Et comme je porte un grand intérêt au cinéma, j’ai d’abord représenté des personnages de films, comme le Joker, Dark Vador… dans un esprit Pop.
Et pourtant, vous aimez les œuvres classiques…
J’ai véritablement appris à aimer les œuvres classiques grâce à mon parcours. Et cet intérêt n’a fait que grandir au cours de ma formation. D’autant qu’il y a une différence entre étudier les œuvres d’une manière scolaire et les reproduire ; on découvre la difficulté et les techniques employées mais aussi une dimension nouvelle. Ainsi, alors que j’ai étudié La jeune fille à la perle dans les moindres détails au cours de mes études, lorsque j’ai essayé de la reproduire, ma vision de l’œuvre a totalement changé.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous passionne dans la réinterprétation des tableaux de grands maîtres ?
J’ai souhaité les réinterpréter d’abord parce que les modèles m’intéressaient, ensuite pour présenter au public certaines œuvres classiques, qu’il avait probablement déjà vu sans connaître ni le nom du tableau ni celui de l’artiste, en leur apportant quelque choses de contemporain, de moins figé. En proposant ces peintures d’une manière plus contemporaine, j’espère que cela les touche au point, peut-être, de s’intéresser un peu plus à leur histoire.
Est-ce une façon de « rapprocher » différentes époques picturales avec, sous-jacente, l’idée que l’art est intemporel ?
Exactement, c’est une manière de faire le lien, de rapprocher le public à l’art en général. La Cène par exemple parle à l’inconscient de tous, même si l’on ne sait pas qu’il s’agit d’un tableau de Léonard de Vinci. Mais si je veux réellement interpeller le public, je dois m’appliquer à conserver une construction fidèle à l’original ainsi que les éléments importants de la composition.
D’ailleurs, comment choisissez-vous les œuvres que vous souhaitez réinterpréter ?
Assez simplement… Ce sont souvent des œuvres que j’ai étudiées et qui m’ont touché. Pour faire le lien, il faut également qu’il s’agisse de grandes figures de l’art.
Comme Léonard de Vinci ?
Exactement. Léonard de Vinci m’a intéressé non seulement pour sa peinture mais aussi pour ses recherches, notamment son Codex Atlanticus. De là est venue mon inspiration pour les croquis allégoriques que j’insère désormais dans toutes me toiles. Au-delà des personnages et de la scène que je mets en place, cela me permet de raconter des histoires, toutes en lien avec l’œuvre évidemment.
Comment composez-vous vos œuvres pour équilibrer éléments classiques et éléments contemporains ?
Devant la photo originale de l’œuvre, j’essaye de déterminer les éléments qui me semblent intéressants de garder et ceux que je peux réinterpréter, symboliser voire même faire disparaître. Ces choix interviennent en amont de la composition. Je travaille généralement les visages mais aussi parfois les mains de manière plus fidèle, plus copiste. L’aplat beige derrière les visages, que j’appelle trace d’humanité, isole la zone, appelant plus de calme. Et dès que l’on sort de cette zone, mon travail devient plus énergique, plus en mouvement. Un équilibre difficile à trouver. Aujourd’hui, j’arrive à fondre ces différentes zones dans l’intégralité de l’œuvre. La touche contemporaine apparaît dans la manière très urbaine dont je pose les couleurs, basées sur celles de la toile originale que je choisis de contraster, au pinceau et parfois au couteau pour des effets bruts, moins contrôlés, mais aussi par le style des croquis allégoriques que j’intègre, dont, parfois des symboles actuels.
Pourquoi travaillez-vous en série ?
Pour aller au bout de ma recherche et parce j’ai du mal à m’éparpiller. D’ailleurs, je ne travaille que sur une seule toile à la fois.
Comment vous est venue l’idée de cette nouvelle série « Léonard» ?
J’ai travaillé trois mois à Florence, en Italie, l’occasion pour moi de visiter le Leonardo Interactive Musée où l’on peut expérimenter plus de 50 inventions dessinées par Léonard de Vinci dans ses fameux Codex. Une expérience fascinante qui m’inspire aujourd’hui pour cette série. J’ai d’abord réinterprété Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus jouant avec un agneau. Puis, suite à une discussion avec Roch de Urban Gallery, j’ai tenté une première version de Mona Lisa, très colorée, très lumineuse, puis une seconde dans laquelle, pour la première fois, j’ai intégré des Codex, ce qui me permet d’harmoniser mon fond, de le structurer davantage. De là est née l’idée de la collection. J’ai eu la chance qu’un collectionneur s’intéresse non seulement à ces premières toiles mais aussi à l’idée de la collection tout en me laissant totalement carte blanche.
Combien de toiles comporte cette collection et où pourra-t-on la voir ?
La collection « Léonard » comporte 15 pièces que l’on devrait présenter en septembre/octobre dans un espace muséal. Nous souhaitons en effet que le parcours permette aux visiteurs de percevoir l’évolution du processus, notamment l’insertion des Codex dans le champ pictural, puisque je travaille une pièce après l’autre.
Vous avez joué sur des formats différents, est-ce un choix ?
Pour chaque pièce, j’ai en effet souhaité garder une dimension à peu près équivalente à celle des tableaux originaux… mais aussi jouer sur l’encadrement baroque doré, afin de de pousser le côté « classique » jusqu’au bout.
Que représente cette série pour vous ?
Cette collection m’a fait grandir dans ma recherche artistique et picturale. Elle montre l’évolution de mon travail…
La 15ème pièce ferme-t-elle la collection Léonard ?
La collection est « fermée »… mais pas nécessairement Léonard.
Je me fais l’avocat du diable mais, puisque la collection est vendue pourquoi la présenter ?
Simplement pour partager mon travail et, sans prétention, parce que je suis fier de cette collection.
Après Léonard, sur quoi travaillez-vous ?
Je travaille sur trois grandes toiles, deux représentations de statues grécoromaines et Le radeau de la méduse, dans lequel j’intègre évidemment les allégories, des croquis en rapport avec la toile.
Une nouvelle série en perspective ?
Peut-être Botticelli…