« Le beau est toujours bizarre »
Cette affirmation de Charles Baudelaire ne peut que faire réfléchir les amateurs d’art. Surtout, l’explication qu’il donne à cette prise de position est aussi péremptoire qu’étonnante : «Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement beau». Et c’est vrai que les œuvres qui nous touchent ne sont que rarement «simplement» belles. Pour provoquer l’émotion, il faut que l’artiste s’éloigne de l’esthétisme formel. On pense évidemment aux Impressionnistes ou à Picasso, qui ont d’abord surpris par l’originalité, pour ne pas dire l’étrangeté, de leur démarche créative. Et même lorsque les artistes s’attaquent à un sujet où la représentation de la beauté semble la plus naturelle, comme le nu, c’est souvent cette bizarrerie évoquée par le poète qui donne la profondeur à l’oeuvre, même si elle n’est pas toujours naïve, à l’image d’un Michel-Ange qui n’a pas craint de représenter Ève dans une position compromettante, à genoux devant Adam.