L’ART ET LE MONDE D’APRÈS
On se souvient de l’émouvante déclaration d’Annie Girardot récompensée par un César – pour un second rôle ! – en 1996 : « Je ne sais pas si j’ai manqué au cinéma français mais, à moi, le cinéma a manqué. Follement. Éperdument. Douloureusement ». Et c’est un peu le sentiment de tous les amateurs d’art après ces deux mois forcés loin des musées et des galeries. Bien sûr, tous les acteurs du marché ont joué le jeu de la virtualisation et les expositions en ligne, accessibles gratuitement, se sont multipliées. Si elles nous ont permis de garder le contact avec les œuvres, elles nous ont aussi amené à nous rendre compte à quel point la confrontation face à face avec une peinture ou une sculpture, l’échange avec un artiste, un galeriste, un guide… restent incontournables.
Évidemment, le redémarrage reste progressif, les contraintes sanitaires s’imposent encore et, probablement, pendant un certain temps. Mais c’est peut-être l’occasion de changer notre rapport à l’art. En attendant la reprise des grandes expositions et des foires qui attirent les visiteurs par milliers, visitons les « petits » musées et poussons la porte des galeries. Au-delà des grands noms de l’art contemporain, coutumiers des records de ventes et des coups de com’, partons à la rencontre d’artistes peut-être moins talentueux dans le buzz qu’un Maurizio Cattelan ou qu’un Jeff Koons, mais tout aussi intéressants, sinon plus. Comme le constate le galeriste Daniel Templon, « Les collectionneurs et amateurs, lassés des installations conceptuelles, souhaitent redécouvrir un art où le sérieux est manifeste. Il existe peut-être des artistes, moins médiatisés, qui seront, plus tard, considérés comme de plus grands créateurs. Seul l’avenir nous le dira ». Pour l’art aussi, y aura-t-il un « monde d’après », moins clinquant et plus authentique ? C’est à chacun d’entre nous de l’imaginer et de le construire, sans céder aux injonctions et aux apparences.
Frédéric BENOIT
Directeur de la Rédaction
fb@artsmagazine.fr