« LE TRAVAIL DE L’ARTISTE C’EST SIMPLEMENT VOIR. C’EST TOUT. VOIR »
C’est le peintre, sculpteur mais aussi cinéaste Jean-Michel Alberola qui l’affirme. Et c’est vrai que la première qualité d’un artiste, c’est bien le regard. Plusieurs grandes expositions nous en apportent la preuve, comme celle consacrée à Edgar Degas au Musée d’Orsay à la rentrée. Si on connaît son travail sur les danseuses, c’est tout l’univers de l’Opéra qui l’a inspiré. Et, avant de créer dessins, toiles et sculptures, l’artiste avait l’oeil d’un véritable photographe humain pour tout enregistrer, dans le moindre détail : un geste élégant, un muscle tendu, un tissu plissé…
C’est aussi à un regard croisé que nous invite le musée Bonnard. En présentant une sélection d’oeuvres de la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle issue de l’une des collections privées les plus prestigieuses au monde, la collection Nahmad, cette exposition rassemble les grands noms de l’art moderne, depuis les maîtres de l’Impressionnisme jusqu’aux cubistes et à Picasso, le maître catalan qui affirmait : « Un tableau ne vit que par celui qui le regarde ». C’est aussi notre travail en tant que spectateur, de voir mais surtout de regarder, avec attention, avec intention, comme pour pénétrer dans l’esprit de l’artiste, afin de comprendre ce qu’il a ressenti et voulu exprimer. Certes, l’art est un marché. Il ne peut exister, et les artistes ne peuvent pas vivre, sans les acheteurs, les collectionneurs, les professionnels. Mais ceux-ci doivent rester des amateurs, au sens premier du terme, ceux qui aiment. La recherche exclusive de la plus-value, qui conduit à une pratique aussi détestable que l’art flipping – l’acquisition d’oeuvres qui ne quitteront jamais leur entrepôt, uniquement dans une perspective de revente rapide – est une dérive qui ne correspond pas aux valeurs de découverte et de plaisir que nous souhaitons partager avec nos lecteurs.
Gabrielle Gauthier
Rédactrice en chef