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Arts Magazine International N°24

«Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense»

Comme souvent, Pablo Picasso résume en quelques mots une question fondamentale face à la création : où les artistes trouvent-ils l’inspiration ? Dans le réel, évidemment, mais aussi au-delà. Dans sa nouvelle Le chefs-d’oeuvre inconnu (qui a inspiré La Belle Noiseuse, le film de Jacques Rivette), le vieux maître Frenhofer, incarné à l’écran par Michel Piccoli, juge ainsi un tableau : «Ta bonne femme n’est pas mal troussée, mais elle ne vit pas. Vous croyez avoir tout fait lorsque vous avez dessiné correctement une figure et mis chaque chose à sa place d’après les lois de l’anatomie !», ajoutant : «La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer. Tu n’es pas un vil copiste, tu es un poète !». Pas si simple.

« Pour certains, c’est une femme, épouse légitime ou maîtresse, modèle ou artiste, courtisane ou femme du monde, qui joue le rôle de muse. Un rôle souvent ingrat, les artistes ne brillant pas par la reconnaissance. Et passer à la postérité immortalisées sous le pinceau d’un maître est une piètre consolation pour celles qui n’ont pas toujours une vie facile. Quant à la femme artiste, elle n’a «ni muse ni esclave. Elle doit être ces deux choses pour elle-même», l’affirme la romancière irlandaise Edna O’Brien. Ce n’est pas Berthe Morisot qui dirait le contraire. Celle qui fut l’un des piliers du mouvement impressionniste, dont le talent était reconnu par ses pairs, Degas, Renoir…, et que Manet considérait comme son égale et sa rivale, n’a sans doute pas la place qu’elle mérite. Son premier professeur Joseph Guichard, affirmait à ses parents, à son propos et celui de sa jeune sœur Edma : «Vos filles deviendront des peintres. Vous rendez-vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe. Êtes-vous bien sûrs de ne pas me maudire un jour ?». Les temps n’ont, hélas, pas tellement changé…

D’autres, comme Jean Dubuffet, auquel le Mucem consacre une superbe exposition, ont exploré d’autres mondes. Le peintre prolifique (en 43 ans de carrière, il a produit des milliers de peintures, dessins, sculptures, collages), premier théoricien de l’Art Brut, auteur de vigoureuses critiques sur la culture dominante, s’est ainsi intéressé à la production picturale des malades mentaux, des prisonniers et des enfants, pour explorer tous les styles, de la plus pure abstraction à des scènes pittoresques ressemblant aux dessins enfantins. Celui qui se définissait comme «un peintre du dimanche pour qui tous les jours sont des dimanches» apporte peut-être la réponse : l’artiste ne as l’inspiration, il la trouve. »

 

 

 

 

Gabrielle Gauthier
Rédactrice en chef