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Arts Magazine International N°23

«Les tableaux ne sont que recherches et expériences»

De Pablo Picasso, on connaît la célèbre phrase, «Je ne cherche pas, je trouve», bien souvent incomprise. L’artiste ne sous-estimait pas l’importance du travail et des essais, au contraire, mais affirmait que ce qu’il montrait était abouti. La création artistique ne peut s’affranchir de l’expérimentation et de la recherche de la rupture avec les traditions établies. La Renaissance s’est ainsi affranchie de la démarche d’imitation du réel qui était de mise au Moyen-Âge. Au XVIIIème siècle, le mouvement allemand pré-romantique du «Sturm und Drang»
(littéralement «Tempête et passion») préconisait un rejet de tout ce qui pouvait imposer des limites, de toutes les règles contraignantes qui ne faisaient que freiner l’inspiration. Des approches qui prônent ainsi l’originalité, expression de la personnalité du créateur.

Les XIXème et XXème siècles ont été les terrains d’expression de cette recherche de liberté : l’impressionnisme, l’expressionnisme, le fauvisme, le cubisme, l’abstraction sont autant de mouvements qui ont abouti à l’expression de l’intériorité de l’artiste, sans référence au monde réel. De Braque à Malévitch, de Marcel Duchamp à César, la volonté de s’affranchir des contraintes a souvent rimé avec la provocation. Même s’il est d’abord choqué, le spectateur est avant tout amené à réfléchir sur ce qu’on lui propose. À l’époque
de la polémique sur la monumentale sculpture de Paul McCarthy, Tree (qui a du être retirée de la place Vendôme après avoir été vandalisée), Jennifer Flay, directrice de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) qui l’avait commandée, posait la question : «À quoi sert l’art si ce n’est à troubler, à poser des questions, à révéler des failles dans la société ?».

Le problème, c’est que cette démarche volontairement, pour ne pas dire exclusivement provocatrice, semble parfois être le fil directeur
de nombreux artistes contemporains parmi les plus bankables. Dans leur essai Révolte consommée : le mythe de la contre-culture, Joseph Heath et Andrew Potter, deux universitaires canadiens, analysaient : «Au mieux, la rébellion contre-culturelle est une pseudo-rébellion : un ensemble de gestes spectaculaires, entièrement dépourvus de conséquences politiques ou économiques progressistes, qui font oublier
l’urgence de bâtir une société plus juste. Autrement dit, il s’agit d’une rébellion qui, tout au plus, divertit les rebelles». Il est peut-être temps d’en revenir à la vérité première de Picasso. Artistes, si vous vous mettiez à nouveau à chercher et à expérimenter ?

Gabrielle Gauthier
Rédactrice en chef

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